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Avant première des concerts Brahms "ein deutsches Requiem"
Ecuvillens » En 1988, MarcAntoine Emery avait 20 ans, la musique en ligne de mire et des envies de chanter. Trente ans plus tard, il est professeur de musique aux collèges du Sud et Saint-Michel et dirige toujours Anonymos. Il se souvient: «Je faisais partie de la Cécilienne d’Ecuvillens. Avec des amis, nous chantions lors de soirées, nous voulions monter un chœur de jeunes. Finalement, l’aventure a duré.» L’Ensemble vocal Anonymos fête donc ses trois décennies sous la direction de MarcAntoine Emery dès samedi dans son f ief d’Ecuvillens (avant deux autres concerts à Fribourg et Romont). Une fidélité récompensée par le Requiem de Brahms. Dans la version pour deux pianos (Boris Fringeli et Simon Savoy), avec les solistes Joelle Delley (soprano) e t Jean - Luc Waeber (basse).
Travailler la justesse«Jusqu’en 1999, nous avions un répertoire très éclectique», raconte le chef. Un peu de Renaissance, un peu de negrospiritual – «ce que nous ne faisons plus du tout» –, avec un désir d’ouverture et de toucher à tout, une soif d’apprendre, sans spécialisation, comme d’autres chœurs profanes à cette époque. Et puis les Danses allemandes de Schubert «ont fait le déclic». Anonymos s’est à partir de là résolument tourné vers le répertoire d’oratorio, avec orchestre. Marc-Antoine Emery a gardé en mémoire l’expérience forte du Requiem de Mozart: «C’était un rêve des chanteurs. C’est quelque chose de chanter une fois le Requiem de Mozart.» Mais on peut citer aussi le Te Deum de Charpentier, le Requiem de Fauré, les Liebeslieder Walzer de Brahms, la Petite Messe solennelle de Rossini, la Via Crucis de Liszt, ou encore le Stabat Mater et la Messe à double chœur de Rheinberger (le gros projet de ce début d’année). Parallèlement, l’ensemble vocal n’a pas oublié de stimuler la création fribourgeoise. En 2001, André Ducret dirigeait et enregistrait sa cantate Chemins (sur des textes de Josiane Haas). Tandis que Jean-Marie Kolly composait la suite Epicurymos (sur des textes de Marc Aebischer) pour les 20 ans d’Anonymos, en 2008. A cette occasion d’ailleurs est né l’un des tubes récents du répertoire populaire fribourgeois, La Gourmande, qui déroule sur un rythme de polka les délices du menu de la bénichon (à commencer par la poire à botzi). Aujourd’hui, le chœur continue de répéter régulièrement (une fois par semaine), ses 40 choristes font de la pose de voix avec des chanteurs professionnels, et prennent toujours soin du répertoire traditionnel a cappella, notamment en vue de la Saint-Nicolas. «Pour travailler la justesse, cela rest e u ne excel lent e école», abonde Marc-Antoine Emery. C’est précisément l’a cappella qui a permis plusieurs fois au chœur de se distinguer lors de concours choraux internationaux. Le chef avoue avoir chaque fois apprécié l’aventure du concours, qui nécessite une importante préparation, forcément profitable pour la qualité.
Vivre un moment fortPour le trentième aussi, il a eu envie de viser haut, de continuer à «faire progresser» son chœur. Il a choisi Ein Deutsches Requiem de Brahms, «pour toucher à quelque chose d’exceptionnel». Car ce Requiem ne suit pas la tradition liturgique catholique de la messe des morts, mais il est le fruit d’un agencement tout personnel, réalisé par Brahms lui-même, de textes bibliques en allemand. Musicalement, il s’agit pour le compositeur de réconforter, de signifier sa foi en l’espérance, de croire à une possible rédemption.A quelques jours du concert, Marc-Antoine Emery reconnaît la «chance» qu’il a que «les choristes adhèrent à (ses) projets», que «le chœur tourne depuis trente ans», avec une arrivée régulière de nouvelles voix motivées. Entre le plaisir du chant qu’il revendique, et les exigences musicales, le chef semble avoir trouvé un équilibre. Il faut une technique suffisamment sûre pour apprécier les difficultés. Ce Requiem, «c’était le moment de le faire».   
Elisabeth Haas, "La LIberté" du 18 octobre 2018

Ecuvillens • Le chœur Anonymos a donné un «Requiem» de Mozart puissant et touchant.

BENJAMIN ILSCHNER
En cette veille du dimanche de la Toussaint, les rues d’Ecuvillens se sont drapées de brouillard. Les lampadaires se dressent comme des cierges processionnaires dans le ciel plus gris que noir. Les lueurs se suivent jusqu’à l’église du village, où le «Requiem» de Mozart est donné ce soir-là. Par ce temps chagrin, les rangs sont pleins, le chœur Anonymos a trouvé son public. Des mois de préparation l’ont mené à ce premier concert, qui sera suivi par ceux de Bulle (samedi 7.11) et Fribourg (8.11).
Avant de donner à entendre l’œuvre phare de la soirée, Marc-Antoine Emery invite ses chanteurs à ouvrir la partition du «Salve Regina» en sol mineur de Joseph Haydn. Bien plus qu’une mise en voix, cette œuvre aux dimensions intimistes est un concentré de beauté. Le chœur et les solistes s’unissent à l’Orchestre de chambre fribourgeois pour en révéler toute la délicatesse. L’organiste Vincent Perrenoud est l’un des meneurs de cette lecture limpide et expressive.
Le chœur s’entoure d’un orchestre plus étoffé pour aborder le célèbre «Requiem» en ré mineur de Mozart. Même si les voix graves ne pèsent pas toujours assez lourd dans l’effectif, Marc-Antoine Emery parvient à asseoir une bonne stabilité pour négocier les retards et dissonances de l’Introït. Le choix assumé d’un tempo lent lui permet d’instaurer un climat tragique, qui s’intensifie dans le Kyrie. L’angoisse devient plus forte encore dans le Dies Irae, puis la basse puissante de Jean-Luc Waeber impose un ton solennel dans le Tuba mirum.
Mis à part un certain flou dans les harmonies du Confutatis, chœur et orchestre maîtrisent bien la progression dramatique et varient les couleurs entre résignation, majesté et intériorité. L’articulation toute en nuances du ténor Jonathan Spicher, l’alto doux et rayonnant de Véronique Rossier et le timbre séraphique de la soprano Charlotte Müller Perrier apportent beaucoup de profondeur à l’interprétation de ce «Requiem» ponctué de tendresse.
Benjamin Ilschner, "La Liberté" du 3 novembre 2015

Brahms dans la joie pour un 30e anniversaireCritique
Ein deutsches Requiem. Voilà une œuvre ambitieuse qui a mobilisé toutes les énergies du chœur Anonymos ces derniers mois. C’est dans son fief d’Ecuvillens, dans une église presque comble, que l’ensemble vocal, dirigé par Marc-Antoine Emery, a donné cette œuvre en concert samedi pour marquer son trentième anniversaire. Et à l’heure de l’agape qui a suivi, la joie se lisait sur les visages d’auditeurs enchantés d’avoir entendu un chœur pétant de vitalité.
Une joie qui reflète celle, manifeste, des chanteurs réunis pour exécuter cette œuvre. Ces chanteurs, on les sent concernés, impliqués dans cette interprétation. Certes, l’entrée initiale du premier numéro Selig sind, die da Leid tragen, énoncée pianissimo, paraît timide, et certains aigus apparaissent un peu secs. Mais peu à peu, au fil de fortissimos intenses, la formation s’affirme, monte en puissance, galvanise le public.
On relève la grande lisibilité de chaque registre, rehaussée par une précision constante des nuances et du dessin de la phrase. Les pupitres masculins du chœur font preuve d’une fusion idéale, garante d’une exécution fluide. Ils répondent, en particulier dans le numéro conclusif Selig sind die Toten, à de lumineux moments en demi-teinte offerts par les dames du chœur.
Si l’auditeur se laisse emporter par des parties chorales maîtrisées par un chef qui sait ce qu’il veut, les solistes ne sont pas en reste. Il y a du brillant dans la voix de Joëlle Delley Zhao, soprano qui accorde tout son soin au phrasé d’interventions savamment chantournées. En d’autres moments, le baryton Jean-Luc Waeber se montre enveloppant, chaleureux, parfois dramatique. Qu’il intervienne, et c’est toute l’église qui paraît vibrer.
Enfin, la prestation des deux pianistes est à relever: Boris Fringeli et Simon Savoy, sont présents sans répit d’un bout à l’autre de l’œuvre, tenant à quatre mains la partie d’orchestre. Leurs entrées, en particulier, savent installer des ambiances, notamment dans le départ du premier numéro de l’œuvre: c’est leur jeu qui, dès ces premières notes, donne à l’interprétation son caractère grave et serein. Ils ont notablement contribué à faire de ce «Requiem humain» une heure musicale aux climats intimes de musique de chambre. Daniel Fattore
Encore samedi 27 octobre, à 20 h 15, à l’église Saint-Paul de Fribourg, et dimanche 28 octobre, à 17 h, à la collégiale de Romont.
Daniel Fattore, "La Liberté" du 22 octobre 2018